Ci-dessous, dans ce dossier se trouve l'article d'Aymeric Caron, journaliste et auteur de "no steak".
Vingt-quatre personnalités françaises de la philosophie, des sciences
et de la littérature viennent de faire paraître un manifeste dans lequel
ils réclament un nouveau statut juridique pour
l’animal. Ils s’insurgent contre le code civil qui considèrerait les
animaux comme des choses et exigent que leur statut d’« êtres vivants
et sensibles» soit reconnu.
On ne peut évidemment que se réjouir de cette mobilisation qui témoigne d’un salutaire et progressif éveil des consciences en faveur des droits des animaux. Malheureusement, il faut également douter de l’efficacité de la revendication affichée.
En effet, le droit français reconnaît déjà la sensibilité de l’animal : celle-ci est clairement notifiée dans le code rural et le code pénal. C’est bien pour cela que les tribunaux prononcent régulièrement des condamnations pour mauvais traitements ou actes de cruauté.
Par ailleurs il est inexact d’affirmer, comme on a pu l’entendre récemment, que le code civil rabaisse l’animal au rang de chose, à savoir à une pièce de mobilier, au même titre qu’une chaise ou une table. Il s’agit là d’un contresens. Certes, le code civil place l’animal dans la catégorie des «biens » et précise que les animaux sont « meubles par nature ». Mais dans cette expression, le mot « meuble » renvoie au caractère mobile de l’animal, qui peut être déplacé ou se déplacer par lui-même. D’ailleurs le code civil précise que l’animal peut également être un bien « immeuble » dans certaines circonstances. Le substantif « bien » souligne quant à lui le fait que cet animal a une valeur financière et qu’il peut avoir un propriétaire, ce qui est conforme à la réalité, puisque les bêtes sont l’objet de transactions commerciales. On les achète, on les vend, on spécule sur le prix de leur chair.
Et c’est bien là que réside en réalité le problème : tant que les animaux continueront à être des marchandises produites et échangées, au même titre que des tee-shirts ou des voitures, leur sort ne pourra s’améliorer. Tant que notre morale ne réprouvera pas le commerce d’êtres « vivants et sensibles», le sort de ces derniers ne s’améliorera qu’à la marge. Car la logique du profit est contradictoire avec celle du bien-être animal. Une mesure qui améliore le confort de l’animal/objet de consommation entraîne le plus souvent une perte de bénéfice pour son producteur. L’industrie agro-alimentaire ne tient compte de la sensibilité des bêtes que parce qu’elle y est légalement contrainte, et le commerce des animaux de compagnie n’est guère plus glorieux : les animaleries sont gérées en fonction de ce même souci de rendement, ce qui génère la multiplication des triches et des trafics. Par conséquent, l’enfer que nous infligeons aux animaux ne cessera que lorsque leur commerce sera interdit. Pas avant.
Cela implique, évidemment, que l’on cesse par exemple de manger de la viande. Ce jour viendra tôt ou tard, mais cela prendra du temps. Que faire alors d’ici là ? Se croiser les doigts ? Non, car il est d’ores et déjà possible de dépoussiérer une législation obsolète et incohérente. Ainsi, selon qu’il est domestique, apprivoisé, tenu en captivité, sauvage, de compagnie, espèce protégée ou nuisible, un animal ne bénéficie pas des mêmes protections : sa sensibilité et son intelligence n’ont pas la même valeur.
En outre, un représentant d’une même espèce, selon le contexte dans lequel on le place, jouit d’un droit à l’existence très variable. Prenez un chien par exemple. Chien de compagnie, avec un maître. Chien errant, qui finira dans un refuge, puis euthanasié. Chien de laboratoire, utilisé pour des expériences. La capacité à ressentir l’angoisse, la douleur ou la joie est la même pour ce chien dans chacune de ces circonstances. Son « intérêt à vivre », pour reprendre le concept cher au philosophe Peter Singer, aussi. Pourtant nous décrétons pour cet animal, dans chacun de ces cas, un droit à profiter de son existence qui diffère.
Aberration d’un autre genre : pourquoi est-il autorisé d’embrocher un taureau dans une arène en certaines régions de France, alors que ce spectacle barbare est interdit, à juste titre, sur le reste du territoire ?
C’est un fait : les vérités éthologiques et biologiques attachées aux animaux que nous exploitons sont délibérément niées, sous-évaluées ou bafouées pour satisfaire aux enjeux économiques, voire culturels, dominants. Changer quelques mots dans le code civil ne changera hélas rien à cette réalité. En revanche, il est en effet urgent de songer à une refonte totale du statut juridique de l’animal, pour lui accorder enfin un statut inaliénable, non-négociable au gré des circonstances.
On ne peut évidemment que se réjouir de cette mobilisation qui témoigne d’un salutaire et progressif éveil des consciences en faveur des droits des animaux. Malheureusement, il faut également douter de l’efficacité de la revendication affichée.
En effet, le droit français reconnaît déjà la sensibilité de l’animal : celle-ci est clairement notifiée dans le code rural et le code pénal. C’est bien pour cela que les tribunaux prononcent régulièrement des condamnations pour mauvais traitements ou actes de cruauté.
Par ailleurs il est inexact d’affirmer, comme on a pu l’entendre récemment, que le code civil rabaisse l’animal au rang de chose, à savoir à une pièce de mobilier, au même titre qu’une chaise ou une table. Il s’agit là d’un contresens. Certes, le code civil place l’animal dans la catégorie des «biens » et précise que les animaux sont « meubles par nature ». Mais dans cette expression, le mot « meuble » renvoie au caractère mobile de l’animal, qui peut être déplacé ou se déplacer par lui-même. D’ailleurs le code civil précise que l’animal peut également être un bien « immeuble » dans certaines circonstances. Le substantif « bien » souligne quant à lui le fait que cet animal a une valeur financière et qu’il peut avoir un propriétaire, ce qui est conforme à la réalité, puisque les bêtes sont l’objet de transactions commerciales. On les achète, on les vend, on spécule sur le prix de leur chair.
Et c’est bien là que réside en réalité le problème : tant que les animaux continueront à être des marchandises produites et échangées, au même titre que des tee-shirts ou des voitures, leur sort ne pourra s’améliorer. Tant que notre morale ne réprouvera pas le commerce d’êtres « vivants et sensibles», le sort de ces derniers ne s’améliorera qu’à la marge. Car la logique du profit est contradictoire avec celle du bien-être animal. Une mesure qui améliore le confort de l’animal/objet de consommation entraîne le plus souvent une perte de bénéfice pour son producteur. L’industrie agro-alimentaire ne tient compte de la sensibilité des bêtes que parce qu’elle y est légalement contrainte, et le commerce des animaux de compagnie n’est guère plus glorieux : les animaleries sont gérées en fonction de ce même souci de rendement, ce qui génère la multiplication des triches et des trafics. Par conséquent, l’enfer que nous infligeons aux animaux ne cessera que lorsque leur commerce sera interdit. Pas avant.
Cela implique, évidemment, que l’on cesse par exemple de manger de la viande. Ce jour viendra tôt ou tard, mais cela prendra du temps. Que faire alors d’ici là ? Se croiser les doigts ? Non, car il est d’ores et déjà possible de dépoussiérer une législation obsolète et incohérente. Ainsi, selon qu’il est domestique, apprivoisé, tenu en captivité, sauvage, de compagnie, espèce protégée ou nuisible, un animal ne bénéficie pas des mêmes protections : sa sensibilité et son intelligence n’ont pas la même valeur.
En outre, un représentant d’une même espèce, selon le contexte dans lequel on le place, jouit d’un droit à l’existence très variable. Prenez un chien par exemple. Chien de compagnie, avec un maître. Chien errant, qui finira dans un refuge, puis euthanasié. Chien de laboratoire, utilisé pour des expériences. La capacité à ressentir l’angoisse, la douleur ou la joie est la même pour ce chien dans chacune de ces circonstances. Son « intérêt à vivre », pour reprendre le concept cher au philosophe Peter Singer, aussi. Pourtant nous décrétons pour cet animal, dans chacun de ces cas, un droit à profiter de son existence qui diffère.
Aberration d’un autre genre : pourquoi est-il autorisé d’embrocher un taureau dans une arène en certaines régions de France, alors que ce spectacle barbare est interdit, à juste titre, sur le reste du territoire ?
C’est un fait : les vérités éthologiques et biologiques attachées aux animaux que nous exploitons sont délibérément niées, sous-évaluées ou bafouées pour satisfaire aux enjeux économiques, voire culturels, dominants. Changer quelques mots dans le code civil ne changera hélas rien à cette réalité. En revanche, il est en effet urgent de songer à une refonte totale du statut juridique de l’animal, pour lui accorder enfin un statut inaliénable, non-négociable au gré des circonstances.
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